INTENTIONS
Décidément, s'il est ancré dans des contextes éloignés des réalités de notre siècle, ce théâtre dit classique n'en continue pas moins d'interroger notre temps et nous-mêmes : dans Bérénice, l'une des questions étant celle de la relation pouvoir-amour.
Il s'ensuit qu'il y a là un lien à faire entre le passé et notre présent et matière à permettre une approche contemporaine d'une histoire presque mythique ; on pourrait dire : transformer le regard compatissant qu'on a d'ordinaire pour Bérénice en étant sensible à sa démonstration d'amour. Bérénice est une tragédie de l'amour dans laquelle triomphe le devoir et où la catastrophe n'existe que dans les âmes.
Mais pouvons-nous aujourd'hui nous contenter de ce sacrifice de l'amour à la raison d'état?
Titus ne mettra pas moins de cinq actes pour enfin "parler" une séparation qu'il sait inexorable et qui laissera nos personnages vaincus et épuisés.
Bérénice, rompant avec la tradition classique d'une mort envisagée jusque là comme le seul véritable moyen d'être uni à l'être aimé, apparaît comme un personnage dont nous retenons autant le pathétique que le caractère moderne.
Bérénice n'appartient pas en propre au XVIIè siècle : elle est aussi des siècles à venir qui ont vu la femme poser l'exigence d'une parole vraie et refuser qu'on lui impose ses choix.
Jean-Claude Nieto